(Sūtra Shurangama) Le Sūtra Shūrangama ou Sūrangama, nom chinois Dafodingshoulengyanjing (大佛頂首楞嚴經) ou Lengyanjing (楞嚴經), fut adopté dès la Dynastie Tang par toutes les écoles du bouddhisme chinois et souvent commenté au cours des siècles suivants. Sa popularité fut particulièrement grande auprès des syncrétistes (sanjiaoyiyuan 三教一源) des dynasties Song et Ming. Il devint progressivement l’objet d’un intérêt particulier pour les maîtres de l’école Chan, dont Changshui Zuxuan (Song), Han-shan Te-ching 憨山德清 (Ming) et Xuanhua 宣化 (1918-1995), qui ont beaucoup contribué à sa diffusion et à sa compréhension.
Nom complet
Son nom intégral est
Dafoding julaimiyinxiuzhengliaoyi zhupusawanhang shoulengyanjing (
大佛頂如來密因修證了義諸菩薩萬行首楞嚴經), traduction approximative :
Sutra du sommet du grand Bouddha, compréhension achevée par la preuve de l’ascèse de la cause secrète des tathagatas, socle des dix mille pratiques de tous les bodhisattvas. L’ouvrage comprend 10 fascicules. (Taisho Tripitaka Nº 945)
Un autre soutra au nom similaire, le Shūrangamasamadhi sūtra , comprenant deux fascicules, a été traduit par Étienne Lamotte (T. 642).
Origine
Selon la tradition, il fut traduit en
705 au monastère Zhizhi (
制止寺) de
Canton par le moine indien Polamiti ou Bancimiti (peut-être Paramiti) et deux assistants sous la protection de Fang Rong (
房融), ministre de
Wu Zetian récemment dégradé au rang de fonctionnaire local dans sa région d’origine. On attribue parfois à ce dernier la réécriture du
soutra, que son excellent style classique distingue des autres traductions. Cette qualité littéraire, le manque de notoriété des traducteurs, les critiques qu'il contient à l'égard des “faux maîtres” et sa popularité auprès des syncrétistes sont à l’origine de nombreuses accusations d’apocryphie. Pour cela, il faillit être brûlé au Japon au milieu du
VIIIe siècle, et y resta toujours confidentiel. Néanmoins, la communauté bouddhiste chinoise ainsi que de nombreux spécialistes contemporains, dont Ron Epstein de l’Université de San Francisco et Luo Xianglin (
羅香林) de l’Université de Hong Kong, considèrent qu’il s’agit bel et bien de la mise en forme de matériaux sanscrits, et non d’une création chinoise.
Légende
La légende prétend qu’il aurait été découvert par
Nagarjuna, puis considéré comme trésor national par les royaumes indiens, aussi son exportation était-elle illégale. Dès la
Dynastie Sui, le fondateur de l’école
Tiantai, Zhiyi, aurait entendu parler du
Shurangama et priait tous les jours tourné vers l’Orient que le soutra parvienne en Chine. Après une première tentative infructueuse, Polamiti décida de le dissimuler à l’intérieur de son bras, emballé dans de la soie et de la cire. Parvenu à Canton, il l'extrait de sa cachette, d’où son surnom de
Soutra aux taches de sang (Xuezejing
血漬經). Après en avoir dirigé la traduction, Polamiti serait retourné dans son pays assumer la responsabilité de son crime de contrebande et faire libérer le garde-frontière tenu pour responsable. Offert à Wu Zetian par Fang Rong, l’ouvrage ne fut pas diffusé immédiatement à cause d’un scandale récent à propos d’ un faux soutra. Il aurait été redécouvert par le maître Chan
Shenxiu alors qu’il résidait au palais.
La tradition du bouddhisme millénariste chinois prétend qu’il est le dernier soutra apparu et sera le premier détruit à l’approche de l’ère de Maîtreya.
Contenu
Selon Ron Epstein, on peut reconnaitre dans ce soutra une influence
tantrique et yogacara. L’un des principaux thèmes développés est l'inefficacité du
Dharma (enseignement) seul sans la
Samadhi obtenue grâce à la méditation. L’importance de la moralité est également soulignée. Ces deux sujets sont abordés dès le prologue à travers les mésaventures d’
Ananda, qui connait par coeur l’enseignement du
Bouddha mais ne médite jamais. Victime d’un mauvais sort qui le dirige vers une prostituée, il est sauvé par un
Mantra récité par le Bouddha. Le soutra développe aussi la distinction entre la conscience discriminante et la pensée vraie universelle (
compréhension achevée du titre), présente indifféremment dans tous les dharmas. Il contient des instructions concrètes concernant la méditation, la description de 57 étapes vers l’état de
Bodhisattva, des précisions sur le
Karma et les renaissances, ainsi qu’une présentation de 50 états démoniaques que l’ascète peut rencontrer sur son chemin spirituel. Selon le maître
Chan Hanshan Dejing (dynastie Ming), le
Shurangama ne peut être compris que par le biais de la perception véridique grâce au yoga pratyaksa, en éliminant toute trace de discrimination consciente.
Il a acquis une place aussi importante que les soutras du Lotus, Avatamsaka et Prajnaparamita en Chine, où l'on souligne volontiers les correspondances que son contenu offre avec de nombreux autres textes du Canon. Sur un plan pratique, sa section finale, qui contient la description des cinquante (dix pour chaque skanda) états de déviation démoniaque faisant obstacle au progrès spirituel, est très lue, ainsi que les explications concernant son mantra.
Le maître Chan Xuanhua (1918-1995), un des grands promoteurs du Sutra Shurangama, mettait également en avant sa valeur d’avertissement contre les faux gourous.
A voir
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